Dans notre article de novembre 2024 sur les radars IA, nous annoncions l’arrivée de radars capables de détecter le téléphone au volant, le non-port de la ceinture et le non-respect des distances. Un an plus tard, où en est-on réellement ? Un point complet s’impose sur le calendrier réel, les chiffres de mortalité 2024 et ce que ces nouveaux radars vont changer.
2026, pas 2025 : le vrai calendrier de déploiement
Contrairement à ce que laissaient entendre certaines annonces, les radars IA ne verbalisent pas encore fin 2025. La technologie est prête, les radars Mesta Fusion 2 collectent déjà des clichés tests, mais aucun arrêté d’homologation n’a été publié au Journal officiel pour les trois nouvelles infractions (on attend aussi l’arrêté pour les grands excès de vitesse).
Selon une réponse ministérielle au Sénat du 3 avril 2025, le déploiement opérationnel est conditionné aux homologations techniques. Le calendrier réel :
Quand seront-ils sur la route ?
- 2025 : phase de tests et collecte de données (sans verbalisation) ;
- 2026 : premières verbalisations après publication des arrêtés d’homologation ;
- 2027-2030 : montée en charge progressive sur l’ensemble du parc ;

Le Projet annuel de performances 2026 confirme un budget de 46,3 millions d’euros pour la modernisation du système de contrôle automatisé, avec un objectif de 4 160 radars.
3 432 morts en 2024 : les usagers vulnérables paient le prix fort
Le bilan définitif de l’ONISR publié en mai 2025 dénombre 3 432 décès sur les routes françaises en 2024 (3 193 en métropole, 239 en outre-mer).
Le chiffre marquant : pour la première fois, les occupants de voitures représentent moins de la moitié des victimes (48%). Les usagers vulnérables, piétons, cyclistes, deux-roues motorisés, utilisateurs de trottinettes, constituent désormais 45% des décès :
- Deux-roues motorisés : 720 tués (23%);
- Piétons : 456 tués (14%);
- Cyclistes : 224 tués (7%);
- EDPM/trottinettes : 45 tués (1%);
Cette bascule historique explique pourquoi cibler le téléphone au volant est devenu une priorité. Un automobiliste qui regarde son écran à l’approche d’un passage piéton ou dans un carrefour croise littéralement les usagers fragiles « en aveugle ».
Téléphone au volant : des chiffres qui justifient les radars IA
Le Ministère de l’Intérieur et l’ONISR documentent l’ampleur du problème :
- 24% des accidents corporels impliquent un défaut d’attention (distraction, téléphone, écrans), soit environ 390 décès par an;
- 80% des conducteurs reconnaissent utiliser leur smartphone au volant (Baromètre AXA Prévention 2024);
- Le risque d’accident est multiplié par 4 en cas d’usage du téléphone, et par 23 lors de l’envoi d’un SMS (OMS);
- 612 782 contraventions dressées en 2023 pour téléphone tenu en main;
Le paradoxe est frappant : malgré plus de 600 000 PV par an, 8 conducteurs sur 10 continuent d’utiliser leur téléphone. La certitude de la sanction reste trop faible pour modifier les comportements. Les automobilistes sont aussi des piétons, ders cyclistes, des motards. Faire du sport comme un jogging sur des petites routes permet de se rendre compte de la situation. Personnellement, je courais dans le passé sur des routes, je n’osais jamais mettre d’écouteurs pour anticiper l’arrivée d’un véhicule derrière moi.
Comment fonctionne la détection automatique du téléphone
Le radar Mesta Fusion 2, fabriqué par IDEMIA à Saint-Étienne-du-Rouvray, combine plusieurs technologies :
- Capteur haute définition de 36 mégapixels capable de photographier l’habitacle avec suffisamment de détails pour identifier un téléphone en main ;
- Radar Doppler 3D suivant jusqu’à 126 véhicules simultanément sur 5 voies, dans les deux sens de circulation ;
- Algorithme d’intelligence artificielle analysant les images pour détecter les schémas d’infraction (téléphone à la main, absence de ceinture, distance trop courte) ;
Le processus de verbalisation prévoit une validation humaine systématique comme pour les radars feu rouge : un agent assermenté examine chaque dossier avant l’émission du PV. Le Ministère vise un taux de fiabilité supérieur à 95% avant toute généralisation.
Rappels des sanctions
| Infraction | Amende forfaitaire | Points retirés | Article du Code |
|---|---|---|---|
| Téléphone au volant | 135 € | 3 points | R412-6-1 |
| Non-port de la ceinture | 135 € | 3 points | R412-1 |
| Non-respect des distances | 135 € | 3 points | R412-12 |
Pourquoi c’est une bonne nouvelle pour les cyclistes et les piétons
Les radars IA ne sont pas qu’un outil répressif. Ils ciblent précisément les comportements qui tuent les usagers sans protection :
- L’inattention liée au téléphone : un conducteur absorbé par son écran ne voit pas le cycliste qui déboîte, le piéton qui traverse ou la trottinette dans l’angle mort.
- Les distances insuffisantes : sans marge de freinage, aucune réaction possible face à un imprévu (cycliste qui chute, piéton qui surgit).
- L’absence de ceinture : en cas de choc, un conducteur non attaché perd le contrôle du véhicule, multipliant les risques de collision en chaîne.
En augmentant la certitude de sanction sur ces trois points, les radars IA visent directement les causes de mortalité des usagers fragiles. Chaque conducteur qui lâche son téléphone, c’est un risque de moins pour celui qui n’a aucune carrosserie pour le protéger.
Le cadre juridique : tout est prêt, sauf l’homologation
Le Code de la route autorise déjà la verbalisation automatique de ces infractions. L’article L130-9 permet au pouvoir réglementaire de définir les infractions constatables par radars, et l’article R130-11 liste ces infractions, incluant le téléphone, la ceinture et les distances de sécurité depuis le décret n°2023-563 du 5 juillet 2023.
Ce qui manque : les arrêtés techniques d’homologation des équipements pour ces nouvelles fonctions. Une fois publiés au Journal officiel, la verbalisation pourra commencer.
Côté protection des données, la CNIL examine le dispositif avec vigilance. Elle a déjà mis en demeure le Ministère sur la gestion des données des radars-tronçons. Pour les radars IA, les questions portent sur la captation d’images dans l’habitacle (visages de passagers, mineurs), même si IDEMIA assure ne pas utiliser de reconnaissance faciale.
Ce que doivent faire les conducteurs dès maintenant
Inutile d’attendre 2026 pour changer ses habitudes. Les forces de l’ordre continuent de verbaliser sur le terrain, et ces trois infractions coûtent déjà 135 € et 3 points chacune :
- Activer le mode « concentration » ou « ne pas déranger » avant de démarrer tous les smartphones proposent cette fonction,
- Ranger le téléphone hors de portée (boîte à gants, sac) pour supprimer la tentation
- Limiter le GPS vocal et renoncer à toute consultation d’écran en roulant,
- Vérifier la ceinture de tous les passagers, y compris à l’arrière,
- Reprendre la règle des 2 secondes : comptez « un Mississippi, deux Mississippi » derrière le véhicule qui précède.
Les radars IA ne créent pas de nouvelles obligations. Pour les 45% de victimes qui n’ont pas de carrosserie pour les protéger, cyclistes, piétons, motards, utilisateurs de trottinettes, cette évolution est une nécessité.
Sources : ONISR, Assemblée nationale (PLF 2025-2026), Sénat, Ministère de l’Intérieur, AXA Prévention, OMS.
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