Découvrir que ses plaques ont été volées ou recevoir des contraventions pour des infractions que l’on n’a pas commises est une situation stressante. Pourtant, le droit encadre précisément l’usurpation de plaques d’immatriculation : il s’agit d’un délit prévu par l’article L317-4-1 du Code de la route, puni jusqu’à 7 ans d’emprisonnement, 30 000 € d’amende et 6 points en moins sur le permis. Ce guide détaille les réflexes à adopter, les démarches à effectuer pour les amendes et les retraits de points, et la procédure pour obtenir un nouveau numéro d’immatriculation.
Distinguer vol simple de plaques et usurpation d’immatriculation
On confond souvent plusieurs situations, qui n’ont pourtant pas les mêmes conséquences juridiques :
- Vol simple de plaques : vos plaques ont été arrachées ou ont disparu, mais vous ne recevez pas (encore) d’amendes suspectes. Il s’agit d’une atteinte aux biens, mais pas nécessairement d’usurpation.
- Usurpation de plaques (doublette) : un tiers a reproduit votre numéro d’immatriculation sur un autre véhicule. Vous recevez alors des amendes fantômes pour des infractions commises à des lieux ou des horaires incompatibles avec votre situation, ou pour un véhicule qui n’est manifestement pas le vôtre.
- Fausse immatriculation : le numéro est inventé et ne correspond à aucun véhicule réel dans le Système d’immatriculation des véhicules (SIV). Il n’y a pas, en principe, de victime qui recevrait des PV.
Seuls le cas d’usurpation et, parfois, le vol suivi d’une utilisation frauduleuse du numéro entraînent amendes et retraits de points au détriment d’un titulaire légitime.
En cas de vol simple de plaques : sécuriser et déclarer
Si vos plaques ont disparu mais que vous n’avez pas encore reçu d’amende suspecte, l’objectif est de garder une trace de l’événement et de remettre le véhicule en conformité.
- Photographier le véhicule sans plaques, le lieu de stationnement et, le cas échéant, les dégâts visibles.
- Déposer plainte pour vol de plaques (atteinte aux biens) auprès d’un commissariat ou d’une brigade de gendarmerie. Vous pouvez, dans certains cas d’atteintes aux biens simples, préparer ou déposer la plainte via le service Plainte en ligne – Ma Sécurité, mais le dépôt n’est effectif qu’une fois la plainte validée et signée par les forces de l’ordre, qui vous remettent un récépissé. Plusieurs préfectures précisent d’ailleurs que pour le vol et l’usurpation de plaques, il est nécessaire de se présenter sur place ou d’écrire par courrier, et non de se limiter à la plainte en ligne.
- Faire fabriquer et poser de nouvelles plaques avec le même numéro, chez un professionnel agréé, avec une fixation conforme (rivetage notamment).
- Surveiller le courrier : si une amende manifestement injustifiée arrive (lieu/heure impossibles, véhicule différent sur la photo), vous basculerez dans la procédure d’usurpation d’immatriculation.
À ce stade, le simple vol ne permet pas, à lui seul, d’obtenir un nouveau numéro d’immatriculation : les textes officiels exigent la preuve d’une utilisation abusive du numéro, par exemple via une première amende injustifiée, pour accorder le changement de numéro.

En cas d’usurpation et d’amendes fantômes : démarches prioritaires
Ne jamais payer l’amende litigieuse
Quel que soit le canal (internet, téléphone, buraliste, chèque), ne payez pas l’amende que vous contestez. Le paiement vaut reconnaissance de l’infraction et ferme, en principe, la voie de la contestation classique.
En pratique :
- Amende forfaitaire : vous disposez de 45 jours pour contester (requête en exonération).
- Amende forfaitaire majorée : le délai de réclamation est en principe de 30 jours à compter de l’envoi de l’avis. Il peut être porté à 3 mois si l’avis a été envoyé par lettre recommandée, conformément à l’article 530 du Code de procédure pénale.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé d’agir sans attendre, dès la réception de l’avis.
Déposer plainte pour usurpation de plaques
L’usurpation de plaques est un délit (article L317-4-1 du Code de la route). Cette plainte est la clef de voûte de toutes vos démarches ultérieures :
- Rendez-vous dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie avec :
- vos avis de contravention contestés,
- votre pièce d’identité,
- votre certificat d’immatriculation (carte grise),
- éventuellement des éléments d’alibi (attestation employeur, billets, factures horodatées, etc.).
- Demandez l’enregistrement d’une plainte contre X pour usurpation de plaques d’immatriculation (et non seulement pour vol de plaques).
Lors du dépôt de plainte, votre immatriculation peut être inscrite au Fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS), ce qui aide les forces de l’ordre à repérer les véhicules utilisant des plaques usurpées. Un récépissé de dépôt de plainte vous est remis : conservez-le très soigneusement, car il conditionne à la fois la contestation des amendes et l’obtention d’un nouveau numéro.
Le service Plainte en ligne (Ma Sécurité) permet désormais, pour certaines atteintes aux biens, de déposer plainte à distance. Toutefois, pour l’usurpation de plaques, plusieurs préfectures continuent d’indiquer que la plainte doit être déposée en personne ou par courrier.
Dans le doute, et parce que vous avez besoin rapidement du récépissé, il est plus sûr de vous déplacer en commissariat ou gendarmerie, quitte à préparer votre déclaration en ligne.
Contester l’amende auprès de l’ANTAI (sans consignation)
Une fois la plainte déposée, vous devez contester l’amende dans les délais, en joignant le récépissé de plainte. La procédure se fait en priorité en ligne :
- Rendez-vous sur le site officiel ANTAI – Désignation ou contestation en ligne.
- Saisissez la référence de l’avis de contravention et choisissez le motif correspondant à l’usurpation (« Ce n’était pas mon véhicule » / « J’ai été victime d’une usurpation de plaques »).
- Téléversez au minimum :
- une copie du récépissé de dépôt de plainte,
- une copie de votre certificat d’immatriculation.
En cas d’usurpation, aucune consignation n’est exigée. L’article 529-10 du Code de procédure pénale prévoit que le récépissé de plainte pour usurpation de plaques tient lieu de consignation : la requête est donc recevable sans avance d’argent.
La plateforme ANTAI limite parfois le nombre de pièces jointes. Pour que votre dossier soit complet (preuves d’alibi, attestations, factures horodatées etc.), il est très très fortement recommandé, en complément de la contestation en ligne, d’envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception à l’Officier du ministère public (OMP), à l’adresse figurant sur l’avis de contravention, en rappelant :
- la référence de l’avis ;
- la date de votre contestation en ligne ;
- la copie du récépissé de plainte et de la carte grise (le certificat d’immatriculation) ;
- toutes vos pièces d’alibi (attestations, billets, factures, etc.) ;
Les délais de traitement par l’ANTAI et l’OMP sont souvent longs (plusieurs mois). Tant que vous maintenez votre contestation, ne payez pas, au risque de clore le litige.
Demander le cliché radar en parallèle
Si l’infraction a été relevée par un radar automatique, la photo peut prouver que le véhicule flashé n’est pas le vôtre (modèle, couleur, accessoires, autocollants, galerie, etc.). La demande de cliché est un droit :
- via le téléservice officiel du ministère de l’Intérieur : Demande de cliché de contrôle automatisé ;
- ou par courrier postal au CACIR – Service photographies – CS 41101 – 35911 Rennes Cedex 9.
Il faut joindre une copie de l’avis de contravention, de la carte grise et de votre pièce d’identité. Attention : la demande de photo ne suspend pas le délai de contestation ; il ne faut donc pas attendre le cliché pour déposer votre requête en exonération.
Suivre et protéger son permis de conduire
Consulter son solde de points
Pour vérifier l’impact des amendes fantômes sur votre permis, utilisez le service officiel Mes Points Permis, qui remplace l’ancien Télépoints. Après contestation, il est prudent de vérifier régulièrement votre solde pour vous assurer qu’aucun retrait abusif n’a été acté.
Demander la restitution de points retirés à tort
Si des points ont été retirés alors que l’infraction liée à l’usurpation est finalement annulée (classement sans suite, relaxe…), vous pouvez saisir le service dédié via le site des recours du permis de conduire :
- en joignant la décision qui annule ou classe l’infraction,
- une copie de votre pièce d’identité,
- et, si nécessaire, un relevé d’information intégral (téléchargeable via Mes Points Permis ou auprès de la préfecture).
L’objectif est d’obtenir la correction de l’historique et la restitution des points indûment retirés.
Si vous aviez déjà payé une amende par erreur avant de découvrir l’usurpation, la situation devient plus complexe, le paiement valant en principe reconnaissance de l’infraction.
Un recours reste parfois possible (recours gracieux auprès de l’OMP ou du Trésor, réclamation motivée avec plainte et preuves à l’appui), mais son succès dépendra de l’appréciation de l’administration ou du juge. L’assistance d’un conseil juridique (un avocat) pourra vous être utile.
Obtenir un nouveau numéro d’immatriculation après usurpation
Contester les amendes permet de traiter le passé, mais n’empêche pas toujours l’auteur de la doublette de continuer à commettre des infractions. Dans les cas avérés d’usurpation, il est vivement conseillé de demander un nouveau numéro d’immatriculation.
Les personnes victimes d’usurpation du numéro d’immatriculation affecté à leur véhicule peuvent obtenir un nouveau numéro sur présentation d’un dépôt de plainte. Le simple vol de plaques, sans preuve d’utilisation frauduleuse, ne suffit pas.
Faire la démarche en ligne
La demande se fait de façon dématérialisée sur le portail France Titres (ex-ANTS), rubrique Immatriculation :
- se connecter via FranceConnect sur immatriculation.ants.gouv.fr,
- cliquer sur « Immatriculation », puis « Faire une autre demande »,
- sélectionner « Signaler un changement sur la situation de mon véhicule »,
- puis choisir « Retrait ou remise en circulation du véhicule, ou usurpation de plaques ».
En cas de difficulté avec l’outil en ligne, vous pouvez être accompagné dans un Point numérique (préfecture, sous-préfecture) ou une Maison France Services, muni de vos justificatifs.
Pièces à fournir et coût
La liste exacte figure sur le site de l’ANTS / France Titres, mais pour une usurpation de plaques elle comprend en général :
- un formulaire de demande de certificat d’immatriculation (Cerfa n° 13750, dans sa version en vigueur) ;
- un formulaire de retrait (Cerfa n° 13756) si la situation le nécessite ;
- le récépissé de dépôt de plainte pour usurpation de plaques ;
- une pièce d’identité valide ;
- un justificatif de domicile récent ;
- votre carte grise (le certificat d’immatriculation) actuelle.
Cette opération ne donne pas lieu au paiement de la taxe régionale (normalement due pour un changement de carte grise) mais seulement de la redevance d’acheminement, actuellement de 2,76 €, correspondant aux frais d’envoi du nouveau titre.
À l’issue de la démarche, vous obtenez un Certificat provisoire d’immatriculation (CPI) mentionnant le nouveau numéro, qui vous permet de circuler en France pendant un mois en attendant la carte grise définitive.
Il faut ensuite faire fabriquer et poser les nouvelles plaques dans un délai raisonnable (au-delà, vous risquez une amende pour plaques non conformes) et informer votre assureur du changement de numéro.
Si l’Officier du ministère public rejette la contestation
Il arrive que l’OMP réponde par un courrier indiquant que la contestation est rejetée et invitant au paiement.
Ce courrier n’est pas un jugement. Conformément aux articles 529-10, 530 et 530-1 du Code de procédure pénale, lorsque la réclamation est recevable mais que l’OMP ne classe pas sans suite, le dossier peut être transmis au tribunal de police, seul compétent pour trancher définitivement.
En pratique :
- si vous payez après ce courrier, vous mettez fin à la contestation ;
- si vous maintenez votre désaccord, ne payez pas : vous pourrez faire valoir votre usurpation devant le juge, de préférence assisté d’un avocat ;
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà sanctionné la France pour des pratiques de courriers ambiguës de l’OMP tendant à décourager la contestation. Ne vous laissez pas intimider si vous êtes réellement victime d’une usurpation et que votre dossier est solide (plainte, alibi, clichés radar, etc.).
Faire intervenir sa protection juridique
Ne restez pas seul face à l’administration. De nombreux contrats d’assurance auto ou multirisque habitation comportent une garantie Protection juridique ou Défense-Recours, parfois en option. Les assureurs (MAIF, Groupama, Matmut, etc.) rappellent que cette garantie peut :
- mettre à votre disposition des juristes pour relire ou rédiger vos courriers de contestation ;
- prendre en charge tout ou partie des honoraires d’avocat si l’affaire est portée devant le tribunal de police ;
- vous aider à chiffrer un éventuel préjudice (frais, temps perdu, stress) si l’auteur de l’usurpation est identifié.
Dès la première amende fantôme, après le dépôt de plainte, il est donc pertinent d’informer votre assureur et de vérifier si vous bénéficiez d’une protection juridique dans votre contrat d’assurance auto.








